La question de l'accueil, de l'accompagnement de la personne abusée sexuellement, moralement, emmêlée dans des sentiments de honte est cruciale. Parle, dire, souvent re-dire ces évènements si pénibles provoquent un curieux paradoxe puisque se faire aider passe par la reviviscence de ces mêmes moments si douloureux. Comment faire ? Comment faire d'autant plus que les lieux, les dispositifs, parfois les personnes, ne comprennent pas de quoi il s'agit pour de vrai et de quoi on parle quand on évoque des tels traumatismes ? Plus encore... il y a loin, très loin entre le besoin et l'offre de soins, le moment où l'on est prêt à "parler" et à bénéficier d'une aide et la disponibilité de cette aide. Parfois les délais de prises en charge, dans le service public, sont longs, trop longs. C'est face à ce paradoxe que notre association s'est déterminée. Fonder un espace relais, un lieu où l'on puisse rapidement aider, conseiller et laisser à la personne blessée l'occasion de poser des questions simples et de ne pas forcément engager un processus de soin, une "thérapie", un suivi. Comme un entre-deux, un sas de décompression, un espace un peu "libre" où l'on puisse échanger, juste se resynchroniser un moment avec ce temps qui passe, qui fuit, qui dépasse. Un entre-deux de regards, de voix, de silences, pour retrouver un peu la trace de quelque chose d'un peu humain.

Le neveu de Rameau, Diderot. Nicolas Vaude et Gabriel Le Doze, mise en scène par Jean-Pierre Rumeau en 2016